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Paysages imaginaires

Photo du rédacteur: galerie-adlgalerie-adl

Dernière mise à jour : 25 janv.

Je m’intéresse aux formes, aux couleurs et aux textures. Lorsque je commence une toile, je n’ai ni plan ni sujet ni objet. Un premier mouvement influence le suivant, et ainsi de suite, jusqu’à ce que je m’arrête, satisfaite ou déçue du résultat.

 

Et pourtant, j’ai souvent l’impression de me trouver devant quelque chose de familier.

 

La toile Brun-bleu-crème a été soumise à un appel de projets avec ma collègue et amie Louisane LeBlanc. Pour cette œuvre, elle a produit une audiodescription que vous trouverez à la fin de cette page. Louisane est candidate au doctorat en traductologie à l’Université de Montréal. Sa recherche porte sur l’audiodescription dans les musées canadiens et québécois. Elle-même en situation de handicap moteur, elle est sensible aux enjeux liés à l’accessibilité. Elle travaille avec des personnes aveugles et amblyopes depuis maintenant 10 ans. N’hésitez pas à la contacter si vous voulez en apprendre plus sur son travail (louisane.leblanc@umontreal.ca).


Brun-bleu-crème, 2024

Acrylique liquide sur toile, 30 x 36 po



AUDIODESCRIPTION PAR LOUISANE LEBLANC (louisane.leblanc@umontreal.ca)


" La démarche d’Alexandra Dubé Loubert s’inscrit dans le prolongement du mouvement automatiste qui a vu le jour au Québec au début des années 1940 et dont l’objectif était de contrer la rigueur véhiculée par le conservatisme artistique, politique ainsi que l’emprise de la religion catholique sur la population apeurée par les mystères de la foi.


" Les Automatistes sont des adeptes de la non-préconception de l’œuvre. Cette forme de création laisse place au hasard, à l’invisible et embrasse l’abstraction. La façon de faire d’Alexandra s’inscrit au sein de ce mouvement puisqu’elle ne connaît jamais le résultat final de son travail. On pourrait dire qu’elle crée à l’aveugle tout en étant à la recherche d’un esthétisme non figuratif que seul le mariage des couleurs et des matériaux fera naître sous le doigté agile d’Alexandra.


" Devant l’abstraction d’une peintre automatiste, on suggère « de prendre le point de vue de la genèse de l’œuvre plutôt que celui de son aboutissement, les conditions de sa fabrication plutôt que son sujet, ou si l’on veut, d’adopter le point de vue [de la] peintre qui fait le tableau, plutôt que celui du spectateur qui le regarde »*. Mon rôle n’est donc pas de vous dire si la toile me plaît ou pas, mais bien de vous expliquer comment Alexandra s’y est prise pour aboutir à ce résultat tout en décrivant ce qui s’offre à notre vue. Cette dernière sera suivie par les descriptions des toiles-à-toucher d’Alexandra.


*GAGNON, François-Marc (2015) : Riopelle, l’ekphrasis et l’invisibilité. Études françaises. 51(2), 69-86.


AUDIODESCRIPTION BRUN-BLEU-CRÈME


" Cette toile-à-toucher, acrylique sur canevas, représente un paysage abstrait. La dimension de la toile est de 30 pouces (76 cm) sur 36 pouces (91,5 cm). Pour vous aider à vous représenter ces dimensions, je dirais qu’une porte standard de chambre mesure 32 pouces (81 cm) de largeur, donc la portion verticale du canevas est un peu plus petite que la largeur d’une porte et la portion horizontale est, quant à elle, quelque peu plus longue.

 

" Cette toile-ci a été faite par couche successive de peinture acrylique liquide. Au départ légèrement visqueuse, un peu comme de la colle liquide, Alexandra s’est amusée à rendre la peinture acrylique plus ou moins liquide en y ajoutant de l’eau, et ce, selon les besoins que lui dictait son paysage abstrait. Elle commence sa création en travaillant une première couleur en dessinant une forme approximative sur le canevas avec un pinceau humide. Elle ajoute de l’eau ou de la peinture à son mélange de couleur, selon la transparence qu’elle souhaite atteindre. La tache dessinée avec le pinceau humide aide la peinture à se diffuser, c’est-à-dire qu’elle va là où c’est humide. Alexandra guide la peinture avec un pinceau où elle joue avec l’inclinaison de la toile afin de pousser le liquide coloré à se répandre. Ensuite, elle laisse sécher quelques heures et elle reprend son travail. Notez qu’Alexandra n’a pas de plan précis. Elle décide au fur et à mesure de la prochaine étape, en fonction des formes et des couleurs déjà sur la toile. Parfois, elle est trop pressée, et elle ne peut s’empêcher de faire une seconde tache de peinture. Toutefois, quand elle bouge la toile dans un sens où l’autre, ça complique les choses, parce qu’elle ne veut pas nécessairement que les deux taches coulent dans le même sens. La sagesse lui dicte de quitter la pièce pour laisser sécher. Lorsqu’elle revient dans son atelier, souvent, Alexandra a la surprise de constater que la peinture n’a pas fait ce qu’elle pensait. La peinture s’est diffusée autrement, affectant la couleur ou la forme. Comme si cette dernière en avait fait à sa propre tête! Et Alexandra continue de la sorte à faire des couches tant et aussi longtemps qu’elle ne sent pas que son œuvre est achevée.

 

" Quand je regarde cette peinture, je vois un paysage islandais. J’emploie le qualificatif « islandais » d’abord parce que la partie inférieure, celle qui est marron, me rappelle les sols volcaniques que j’ai vus en photo de ces paysages particuliers qui font la renommée de l’Islande. Ces terres volcaniques couvrent les 2/5 du bas de la toile. Les différentes couches de peinture, allant du marron foncé au marron très clair, qu’Alexandra a appliquées font en sorte que le sol volcanique est vallonné. Certaines des taches les plus foncées sont brillantes, alors que les plus claires sont plutôt mates. Au coin inférieur à gauche, il y a une ligne diagonale marron clair qui monte doucement vers le centre droit de la toile. Elle est entourée de taches foncées qui ont tenté de pénétrer ses limites par osmose. La section bleue, au centre du canevas, occupe approximativement 1/5 de la toile. Elle me rappelle aussi l’Islande puisque j’y vois des cheminées des geysers. Cheminées desquelles s’échappent les vapeurs d’eau chaude jaillissantes. Ici, les geysers sont représentés par quelques taches de peinture à la verticale. Ce sont les seules taches qui sont perpendiculaires. Elles se trouvent au centre, complètement à droite de la toile. Ces cheminées crachent des vapeurs bleutées. Ici, Alexandra a donné beaucoup de transparence à la peinture bleue. J’ai vraiment l’impression qu’il s’agit de vapeurs translucides desquelles se dégage un parfum sulfurique. Finalement, la partie crème occupe le dernier 2/5 de la partie supérieure de la peinture. À mon avis, cette section représente un ciel éthéré auquel s’entremêlent les vapeurs des geysers. J’ai vraiment l’impression d’être devant un ciel bas couvert de nuages plats peints en longueur. Ces nuages ressemblent à ceux que j’observe les jours d’hiver ou on attend de la neige. La superposition des taches faites par Alexandra donne de la perspective à cette toile. Si je résume, ce paysage abstrait se décline en trois temps : la partie inférieure en différentes teintes de marron dessine un sol vallonné duquel s’élèvent les fumées vaporeuses des geysers qui se trouvent au centre de la toile et qui culmine avec un ciel d’hiver chargé.

 

" Au toucher, il est difficile de déterminer où sont les limites des différentes couches de peinture. Les couches les plus liquides se dérobent sous mes doigts, tandis que celles plus épaisses me laissent deviner en partie leur contour. La rugosité du canevas est aussi dissimulée sous les différentes strates de peinture. Comme il s’agit d’un paysage abstrait, c’est-à-dire que les formations sur la toile sont horizontales, je vous suggère d’abord de toucher la peinture de gauche à droite et de droite à gauche… imprégnez-vous de cette sensation. Ensuite, faites parcourir vos doigts de haut en bas et de bas en haut. Que ressentez-vous? Percevez-vous des différences entre les parties de la toile? Est-ce que le haut crème et éthéré se distingue de la partie inférieure, brune et volcanique, de la peinture? "




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